La mise en œuvre conjointe (MOC) est le petit frère, souvent négligé, du mécanisme de développement propre. Nous devons nous y intéresser. Et pas seulement parce que ce dispositif a généré des dizaines de millions de crédits, en blanchissant l’air chaud et au mépris de toute intégrité environnementale. Nous devons nous pencher sur la MOC parce qu’elle nous donne un bon exemple de ce que peut produire un mécanisme de flexibilité dont les règles sont laxistes et, qui plus est, souvent foulées au pied.
En ce moment, à Doha, les parties à la négociation imaginent une réforme de la MOC. ECO accueille favorablement la proposition d’éliminer la voie 1, grâce à laquelle les pays hôtes peuvent unilatéralement approuver des projets et générer des crédits, sans craindre le moindre contrôle international. Il était effectivement temps, car 95% des unités de réduction d’émission (URE) ont été émises grâce à la voie 1, sans le moindre souci d’efficacité environnementale.
Prenons l’exemple de l’Ukraine. Avec 69 projets enregistrés, sous voie 1, ce pays est le principal émetteur mondial d’URE. Or, 60 de ces projets ont été audités par la même entreprise, laquelle a été payée par le même… développeur. En temps normal, l’audit d’un seul projet prend des mois. Mais dans le cas ukrainien, le contrôle de l’intégrité de certaines opérations n’a pris que 7 petits jours. Rien qui puisse inspirer confiance. Leurs promoteurs n’ont entrepris de les faire enregistrer par l’ONU que depuis deux ans. Ce qui ne les empêche pas de recevoir des crédits précoces pour des abattements d’émissions réalisées bien avant l’entrée en vigueur du protocole de Kyoto. Comment ces projets pourraient-ils respecter des règles de la MOC qui ont été rédigées bien après leur mise en œuvre ?
Notre but n’est pas de mettre Kiev au pilori, mais bien de montrer les possibles dérives d’un système permettant à un pays d’émettre unilatéralement des crédits, lesquels peuvent être utilisées pour assurer une conformité carbone dans un régime mondial. En pareil cas, court-termisme et égoïsme l’emportent souvent sur la sécurité climatique.
Chers délégués, ayez tout cela à l’esprit avant d’adopter, de façon enthousiasme, un fatras de règles et de standards. La convention a besoin que les règles communes aux mécanismes de flexibilité assurent l’intégrité environnementale des projets. Ce qui est impossible avec un projet MOC, seulement contrôlé au niveau national.
Malheureusement, les règles proposées pour unifier les régimes de la MOC sont insuffisantes pour assurer l’intégrité climatique des futurs projets. Les critères d’intégrité environnementale doivent être renforcés (notamment ceux définissant l’additionnalité et ceux encadrant les règles de base). Les projets MOC non additionnels minent les buts de ce mécanisme, en particulier dans les pays disposant déjà de grosses réserves d’unités de quantité attribuée. Aussi, est-il vital que seuls des pays ayant d’ambitieux engagements de réduction d’émission puissent abriter des projets MOC.
La fenêtre de tir pour éviter la catastrophe climatique se ferme rapidement. Raison pour laquelle, nous ne devons accepter que des mécanismes produisant des réductions d’émission véritablement nouvelles et additionnelles.